Note de l’éditeur
J’ai reçu un premier message de Ian Dhondt auquel je n’ai pas répondu tout de suite, puis d’autres sont arrivés, régulièrement, accompagnés de longs textes illuminés. En voici deux qui témoignent d’une pensée complexe, parfois obscure, voire poétique. Ces textes n’engagent que leur auteur.
Jan Dhondt
Né en mai 1980.
A grandi dans le nord d’Anvers.
1994-1998, Lycée à Trumansburg, dans le nord de l’Etat de New York.
1998—2000 étudiant en philologie anglaise et néerlandaise à l’UFSIA.
2003-2004 étudiant en anthropologie à la KUL.
2004-2007 hospitalisations psychiatriques répétées.
2007 ouverture et construction de lieux de subsistance dans des squats et des espaces de vie négociés à Bruxelles.
2012 départ pour vivre et construire sur une lutte territoriale de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes
2013-2016 vivre, créer et organiser à Bruxelles.
2017-2018 vivre, créer et organiser près du collectif de Tarnac.
2018-2021 Vie nomade en van se déplaçant de lieu en lieu, squats, territoires et luttes, écrire, lire et organiser.
2022— sur la route à nouveau… va bientôt acheter un nouveau van pour reprendre la route, comme une forme de “diaspora” de la ZAD.
Né en mai 1980.
A grandi dans le nord d’Anvers.
1994-1998, Lycée à Trumansburg, dans le nord de l’Etat de New York.
1998—2000 étudiant en philologie anglaise et néerlandaise à l’UFSIA.
2003-2004 étudiant en anthropologie à la KUL.
2004-2007 hospitalisations psychiatriques répétées.
2007 ouverture et construction de lieux de subsistance dans des squats et des espaces de vie négociés à Bruxelles.
2012 départ pour vivre et construire sur une lutte territoriale de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes
2013-2016 vivre, créer et organiser à Bruxelles.
2017-2018 vivre, créer et organiser près du collectif de Tarnac.
2018-2021 Vie nomade en van se déplaçant de lieu en lieu, squats, territoires et luttes, écrire, lire et organiser.
2022— sur la route à nouveau… va bientôt acheter un nouveau van pour reprendre la route, comme une forme de “diaspora” de la ZAD.
DROMOLOGIE I
Les êtres terre-son pourraient joindre des mots et insuffler de nouvelles politiques. Chaque être sur terre est capable d’y participer, de l’entendre et d’y voir du sens. Je ne veux pas faire un étalage de sentiments, d’émotions ou d’affects, mais je tiens à dire qu’entendre « animal » — » Humain’ comme deux catégories séparées, qui se font malaxer dans différents sens ces derniers temps à bon ou à mauvais augure. Je n’ai jamais rencontré un animal qui détruit son environnement, et à ma connaissance, lesdits « animaux » sont tous intimes à l’être-terre, et ne s’en séparent pas. L’homme, comme seule espèce sur terre, a commis une sorte de séparation pour prendre le pouvoir sur l’être Terre qu’il met à son usure bonne ou mauvaise comme il le veut. On sait bien à quel point cette équivoque nous fait encourir des désastres/accidents.
Je me suis souvent vu, d’une voix béate et désirante, avec les animaux, devenir être-lumiere-son. Des sortes de dieux, dont la terre divine. Auxquelles les êtres-terres intiment et rendent veux, lieux et joies. Notre corps-autre encéphale, notre incandescence inouïe des saintes, notre luminescence d’être-temps et interstitielle, notre sidération, notre vie et notre destin.
Voici ma croyance simplement dite : je crois que la terre va survivre. La volonté complètement folle de l’homme qui veut partir coloniser une exoplanète (et sa pollution absolue) une fois que la terre sera anéantie, l’idée est complètement à contresens du vivant, et j’estime la chance de sa survie en outre espace moins que nihiliste, en plus que sa réalisation implique, en raison de son idée et à l’instar de sa réalisation l’annihilation de la terre !?
Et que la terre est divine, ceux qui l’ont défendue et qui la défendront le savent, sur le plan tellurique est ce qui compte. Et que ceux qui estiment que l’annihilation de la terre est un risque à prendre, que pour eux ce qui est divin n’est que de la cybernétique est pouvoir sur les masses, désir ubrique de pur pouvoir, et régime totalitaire militaro-scientifique sans conscience, sans âme, sans corps, et, malencontreusement sans sujet.
Les êtres terre-son, faune et flore vous proposent autre chose, comme un défi et une épreuve. Je sais que mon discours et teinté de ce Virilio appellerait le zo¨o¨n, qu’il a ensuite dépassé avec la suggestion d’une révolution démocratique. De là, c’est ce que souvent, on appelle l’apolitique. Je vous jure que les êtres terre-son sont incapable d’y voir clair, de l’entendre et d’avoir un agir dessus. Ça les laisse complètement bafoués, confus, désarroi, apathique, ennuyeux. Pourtant leur lire un livre comme les prophéties de Deleuze, Malarmé, Virilio, Genet, Bilal, etc., suscite leur attention et les questionne. La révolution dromocratique produit des politiques avec lesquelles ils pourront agir.
J’ai un exemple concret à proposer : nous étions nombreux à un spectacle militant à Bure, contre les déchets nucléaires et leur monde. Nous étions agités, débordant d’envie et concentrés. Pendant le spectacle, nos désirs et lucidités étaient accompagnés par les animaux, au dehors de la grange qui chantaient au rythme de ce qui se passait. Puis est venu un moment dans le spectacle où les participants ont exprimé cette folie en faisant le simulacre d’un politicien (on devrait dire « dromocrate »). Les animaux perdirent le fil et devinrent silencieux, comme s’ils se questionnaient sur cette tricherie. Ce n’est que bien plus tard, à la suite d’une expression d’amour, que les animaux se sont remis à chanter.
Je connais bien les arguments autour de la misanthropie et de ses affres, et comment le fascisme peut s’en servir. De là, après avoir découvert Paul Virilio, je me trouve à dire : l’homme peut se méprendre, mais la « dromocratie » nous pousse à l’agir contre cette « tricherie », d’une façon absolue et immanente qui-entend-son-être-terre.
DROMOLOGIE II
On entend maintes interprétations de ce que peuvent dire ou vouloir-dire Deleuze et Virilio. Le constat d’un problème « humain, trop humain » en rapport avec la nature et son vécu est troublant, souvent de mauvais augure, et difficile à élucider. Nombreux sont ceux qui disent : « je n’aime pas les humains, mais j’aime la nature », et qui sont atteints d’une sorte de mélancolie à la recherche d’un état originaire qui n’est qu’illusion ou fiction. Plusieurs pistes peuvent être suivies pour contrer ce sort. On entend des phrases comme : « pour l’homme néolibéral, technoscientifique sans conscience, le temple et la grotte sont le CERN, INDRA (l’accélérateur de particules pour découvrir le Hardron, cette particule de Dieu) », ou encore : « The CEO is like a god ». Leurs effets : des cimetières en orbite, des suicides, des accidents routiers, des guerres, ou encore la volonté d’une sorte d’orgie de sang de la fin du temps, et plus encore la guerre des mondes. Le CERN produit un trou noir qui est bien plus qu’une métaphore, INDRA des griffons à la fois rêves et cauchemars du néolibéralisme, l’Hadron nous renvoit au big-bang. Leurs témoins sont ce que Deleuze appelle « le corps sans organe » du capitalisme, le capital.
Pour résister, Virilio construit une forme « d’intérieur à l’intérieur » : une sorte d’espace lisse à l’intérieur d’un espace strié, labyrinthique, dans lequel il est possible de maintenir un équilibre dans le déséquilibre, un rêve dans un rêve, un enchaînement immanent d’instants, avec le dire « oui » et le « nouveau » comme sortie, une sorte de « prière de croire à la Terre sur un plan divin ». Avec comme conséquence que ce qui est du scientifique — là-ou-il-n-y-a-pas-de-lumière-et-où-chaque-geste-est-commandé — produit des guerres de-plus-en-plus-rapides. Les dromocrates sont acculés à une réalité accablante devant laquelle on les oblige à se prosterner, posée devant eux comme le fait accompli d’une injonction par ceux qui sont responsables du cataclysme en cours. Nos défenses d’Êtres libres sont celles de personnes qui comprennent que la religion ne se doit pas être un obscurantisme, que la terre accidentée nous est une épreuve et la limite de notre corps et-dont-on-se-rabat-sur-les-pays-comme-extension-anterieure-de-la-tectonique ?
« Le pays de mon imagination où je puisse créer et vivre libre », là où on peut se vivre du temps et se remémorer nos maintes vies, des rappels de destins : des cycles tellement immenses que les scientifiques vont bientôt se rendre compte — oh, humain-qui -croit-tout-savoir — vous n’en savez foutrement que dalle de ce qui se passe sur terre, et nous, nous sommes des « sciences nomades » qui qui questionnent, donnent envie, et vivent. Votre orgueil de tout va très bientôt se fracasser sur l’absence de sujet. Ouech, l’empirisme du moins-pire, vous êtes les pyromanes.
De là, nous vivions, pour certains, une sorte d’exaltation devant la « violence-terre ». Soyez averti face au complexe militaro-industriel que ce n’est plus seulement la théorie de chaos, mais un putsch militaro-scientifique et le pouvoir pur de la vitesse. Là où nos corps souffrent, les apolitiques ou dromocrates sont de l’ordre de la vitesse : ils en sont devenus incapables de réfléchir (c’était nos âmes, le s.o.s.), et leur corps ne sont plus que des réflexes (S.O.B. – save our bodies) : tous ses temples décrits au-dessus, le survivor de Canetti, ce que nous trouvons suicidaire, et nous éprouvons la résistance d’êtres libres. C’est justement la mort qui nous éprouve, le temps de l’être lime l’être du temps, et toutes nos créations funambulesques : les sondes, les guérisons, les culminations déséquilibrées, le cri et le concept, les rages et les défis, les constructions et leurs sommeils, enfin l’humanisme d’Être-Terre.
Deleuze engage l’Être vers la liberté, avec de l’autocritique, du funambulisme, de l’éthique, en connaissance de cause de ce pour quoi on se bat et qui semble insurmontable, l’alternative est bien pire : l’inertie, l’impuissance, l’injustice, l’enfermement, la fermeture de l’esprit. Il pousse au schisme, à l’hérésie et à la vie. Libre et joyeux, libre de parler en son nom propre, sans demander la permission de quoi que ce soit, de dire « je » sans référer à un quelconque ego. Son extérieur est teinté de choses nourrissant ceux qui avertissent de la fin du temps dans le time-bunker, rempart en connaissance de cause de ce qui fut décrit plus haut. L’Être sylvestre, les fauves, ceux qui savent lire les signes et leurs avertissements, ce qui englobe « la planétologie ». Gare aux heurts qu’ils peuvent vivre, revenir du dehors (combien sont longs ces chemins pour accéder au-dehors, à l’être, au nouveau). L’apprentissage de chemins qui sont capables d’allers-retours, alors que leur capitalisme est un chemin-sens-unique ». Intimité du savoir, ce nouveau est une chose précieuse, or la lucidité c’est la peur, la peur c’est la lucidité : épreuve de force a administrer savamment, insinuer, chuchoter, élucider, une sorte de maîtrise de l’être, avec les enjeux bien sévères, une puissance extraordinaire et hors-norme, une vitalité de la besogne et oui, une sorte de twitcher, la où cette nature est leur ennemi ?
Bon, les dromocrates de varioles et de la nausée, à-ce-qu’il paraît, vous vous êtes mis la terre à-dos. Ce qui est fort contrariant, alors bonne Lecture, et surtout, dont rêver du pouvoir est le pouvoir absolu sans fard, se disait Canetti.
Et sur l’amour, ceux des origines disaient plutôt : moi je vais faire comme une corneille, toi tu fais l’écureuil, moi je fais la biche, toi tu fais le crapaud, moi j’estampe le papillon, toi tu fais une patte de mouche, moi je m’envole comme une petite brindille, toi tu grommelles. Et puis on chuchote un peu de ces miracles.
Et c’est devenu : moi je te casse comme un congélo, tu me foutaise comme ton moteur, je hurle mon réverbère de nucléaire, moi je te fracasse ma troisième jambe, tu me violentes ta jolie robe, je te tourmente mon orchidée et te pousse de l’escalier, tu me narcisse ton foutaise de glaces, e bon. On baise un peu ?
Et c’est devenu : moi je te casse comme un congélo, tu me foutaise comme ton moteur, je hurle mon réverbère de nucléaire, moi je te fracasse ma troisième jambe, tu me violentes ta jolie robe, je te tourmente mon orchidée et te pousse de l’escalier, tu me narcisse ton foutaise de glaces, eh bon. On baise un peu ?
Alors, Deleuze, tu t’occupes des boules de feux, à vraie dire, on parle un peu fort ?